Blog – Chronique d’une inadaptée à la vie mondaine.
Jeudi 27 septembre, je sors des cours. Ce soir c’est remise des prix des lecteurs de Livre de Poche. Heureuse jurée cette année, j’ai reçu une invitation à cette soirée festive.
Je ne connais rien de ce monde, où l’on se retrouve passé 18h, où on célèbre le génie de certains au milieu d’applaudissements, de congratulations, de cocktails et de petits fours. Une grande première donc. Il faudra également être souriante, avenante, et qui sait peut-être que d’heureuses rencontres se produiront.
J’ai la boule au ventre. Pourquoi ? Sans doute suis-je stressée de nature. Ou alors j’ai un mauvais pressentiment.
Il est 19h30 passé. Je suis en retard. Je le suis volontairement. C’est branché d’être en retard, n’est-ce pas ? Et puis rien de pire que d’être l’une des premières à tourner en rond.
Les festivités prennent place rue du Faubourg Saint-Martin. Au Café A – Maison de l’Architecture précise l’invitation. Je sors du métro. Sans doute est-ce un quartier connu, mais petite banlieusarde que je suis, je ne sais pas où aller. Je sors mon téléphone, active la géolocalisation et tape consciencieusement l’adresse. À coup sûr, j’ai l’air d’une touriste. Terrible insulte pour une personne qui étudie depuis 3 ans à la capitale. D’autant que la sentence s’abat sur moi lorsque l’itinéraire se révèle à moi. Le Café A est de l’autre côté de la rue. Des grands panneaux aux couleurs du Livre de Poche indique l’entrée. J’éclate de rire en mon for intérieur, et laisse échapper un sourire. Qu’est-ce que je peux être gourde parfois.
Je rentre. Michelle – nous allons l’appeler Michelle pour des raisons de confidentialité – est mon unique contact à Livre de Poche. C’est le contact des jurés des prix des lecteurs. Je la reconnais, arrive en souriant “Bonjour Michelle ! Je suis Chloé, on a discuté par mails”. “C’est au fond à droite”. Michelle vient de mettre un petite croix à côté de mon nom sur une liste. Elle attend du monde, cette soirée elle en est un peu l’organisatrice. Elle a sans doute autre chose à faire que d’être cordiale avec une lectrice amatrice, qui plus est jeune. Je ne lui en veux pas.
Mais à ce moment précis je suis submergée par la solitude. Il y a foule. Les gens rient fort et se tiennent par les épaules. Ils ont l’air de tous se connaître. Il fait très chaud. Je me faufile entre les groupes jusqu’au fond de la terrasse, sur un banc isolé. Mais qu’est-ce que je fais là ? C’est une fête bon sang ! Un moment de sociabilité, et me voilà, assise dans un recoin essayant de me cacher derrière mon portable, l’air très affairé !
C’est indéniable, je suis seule. Tout le monde semble être accompagné. J’aurais bien voulu inviter mon +1 moi aussi, mais ,bonne élève, j’ai respecté la consigne “les invitations sont personnelles”. Pourtant, je vois bien que d’autres lecteurs sont venus avec leur compagne ou compagnon. Comment, me diriez-vous, puis-je reconnaître mes semblables ? Pas par un don psychique, mais simplement car nous sommes les seuls à arborer sur notre poitrine un signe distinctif et honteux : un badge « Juré prix des lecteurs ». Nous, les parvenus dans ce beau monde de l’édition. Nous, les invités étrangers au monde du livre.
La solitude est un poids que je ne supporte que très mal. Je décide d’appeler celui qui aurait été mon +1 si j’avais été plus téméraire. Cela me donne de la prestance, et soulage ma solitude. Mais très vite on nous invite à rentrer, la remise de prix va commencer.
Je trouve un nouveau coin dans lequel me terrer : loin de la scène, près d’un mur, mais avec la vue assez dégagée pour prendre des photos. Il faut bien profiter de ce moment pour afficher sur Instagram sa présence à l’événement et par ce biais, communiquer les prix.
On fait des discours, bien préparés et qui se ressemblent. “C’est difficile de passer après X qui a fait un si joli discours” “le prix des lecteurs m’est particulièrement cher” “Merci à mes éditrices, elles sont ma deuxième famille”… De très bons livres sont nommés. Mais pas mes préférés. Je n’ai personne à qui le dire. C’est pas grave. On applaudit. Mes story Instagram sont floues et moches. J’ai mal aux pieds et au dos. Comment font ces dames en talons aiguilles ?
Quand le dernier prix est décerné, la foule se masse autour des tables. On annonce une super soirée sur la piste de danse. Je suis fatiguée et seule. Je n’ai qu’une envie c’est de rentrer. Mais plus d’une heure de transport puis de voiture me sera nécessaire pour rentrer chez moi. Je décide donc de suivre le mouvement et de me sustenter.
J’arrive à grignoter 2 ou 3 petits mets qui passent sur des plateaux. “Un verre de jus d’orange et je rentre” Après vingt minutes pour me frayer un chemin vers une table, je patiente encore pour attirer l’attention de la serveuse qui préfère les regards des messieurs en costard que le mien. Je me sens misérable.
C’est décidé je pars. Des pochettes avec quelques livres primés à l’intérieur sont disposés sur une immense table. Autant rentabiliser cette difficile soirée, et ramener une pochette. J’en prends une à la volée, et me retourne. Derrière moi, un serveur qui marche vite pour ramener des verres en cuisine. Je le percute, essaye de rattraper les verres qui tombent, aggrave la situation. “PUTAIN !” Il jure, je m’excuse, il s’en va.
C’est la goutte d’eau. Je pars les larmes aux yeux. On ne m’y prendra plus. Les aventures solitaires en terrain mondain, c’est fini pour moi.
Un avis sur “Soirée de remise du prix des lecteurs Livre de poche”